Penser et repenser le Guide alimentaire canadien. Partie 1/2.

« Eat real food. Not too much. Mostly plants. »

C’est le postulat du journaliste Michael Pollan, tiré de son livre et documentaire In Defense of Food. L’affirmation semble simple – peut-être trop. En fait, dès qu’il est question d’alimentation, nombreux d’entre nous adorons nous compliquer la vie. Devons-nous manger de la viande? Mange-t-on assez de fibres, de protéines, de gras? Ou trop? Manger parce que c’est sain, ça a poussé ici, c’est bio, parce que c’est cheap …ou simplement parce qu’on trouve ça délicieux?

Alouette.

L’abondance d’information – trop souvent contradictoire – quant à ce qui est « bon pour la santé » ne peut qu’entraîner confusion et désordre chez plusieurs qui en viennent à ne plus savoir où donner de la tête. Le Guide alimentaire de Santé Canada est un outil qui a le potentiel de simplifier la vie du citoyen afin de l’aider à faire des choix. Mais quelle est la portée réelle du Guide, quel type de recommandations devrait-il contenir, et quelle place doit-il prendre au sein du portrait politico-juridique canadien ?


 

Le Guide alimentaire canadien est un document gouvernemental qui peut avoir un impact considérable. Les industries touchées par ce guide veulent à tout prix éviter d’être exclues de son contenu. Ce seul fait démontre que celui-ci a une influence sur les choix des consommateurs et, par le fait même, sur la production alimentaire canadienne. Conséquemment, l’importance de la révision du Guide est notable. Tous les acteurs en jeu – tant Santé Canada que l’industrie de la production agroalimentaire, les juristes en droit agroalimentaire et les citoyens doivent en tenir compte. Le gouvernement fédéral, dans le cadre de ce processus, détient l’occasion parfaite de définir ce que peut signifier, au Canada, bien manger, faire un choix santé.

Il nous faut un guide alimentaire compréhensible, utile et cohérent qui puisse être un réel outil pour les citoyens canadiens. En fait, notre Guide doit donner des réponses à trois questions fondamentales en matière d’alimentation : l’inévitable      « quoi manger ? », mais également l’essentielle « comment manger ? » et la fondamentale « pourquoi manger ? ». Je crois que le citoyen, lorsque vient le temps de faire des choix alimentaires, devrait pouvoir profiter d’indications d’ordre nutritionnel, mais devrait également être encouragé à s’alimenter de manière à favoriser sa santé physique et psychologique. Surtout, il devrait comprendre l’impact de ses choix alimentaires sur sa société, son économie et son environnement.

Dans le cadre de son processus consultatif, Santé Canada affirme n’avoir rencontré aucun représentant des industries alimentaires et des boissons. Notre prochain Guide alimentaire ne sera donc pas, à première vue, modelé selon les intérêts économiques du plus puissant et du plus offrant. Plutôt, le ministère soutient que la nouvelle mouture du Guide alimentaire intègrera des recommandations basées sur les nouvelles données scientifiques probantes et adaptées aux tendances montantes du domaine agroalimentaire.

Il semble que Santé Canada s’oriente vers une approche novatrice. À titre d’exemple, son premier brouillon prône la consommation de protéines végétales, devant celle de protéines d’origine animale – ce, afin de favoriser à la fois la santé de notre environnement que celle de notre corps. Cette recommandation, si elle est entérinée par la version finale du Guide, aura un impact monumental sur les industries laitière, ovine et bovine, entre autres. Pour ma part, je crois que ce bouleversement est nécessaire, et j’ai confiance que les industries touchées sauront s’adapter (par une diversification de leur production, ou par des mesures faisant preuve de conscience environnementale et de transparence). Inévitablement, le statut quo sera secoué.

Les citoyens canadiens sont prêts pour ce Guide alimentaire renouvelé et amélioré. En fait, selon le rapport des consultations de Santé Canada, les Canadiens aimeraient que les recommandations du Guide tiennent compte, par exemple, de l’environnement, du bien-être des animaux, des allergies et des intolérances alimentaires. De plus, on y préconise un Guide contenant des recommandations fondées sur le niveau de transformation des aliments. Selon moi, ce point est fondamental. Ce, étant donné l’omniprésence des aliments transformés dans notre quotidien, l’absence de transparence de l’industrie quant aux méthodes de transformation, et la confusion que peuvent créer les stratégies de marketing alimentaire qui dissimulent les risques potentiels de ces produits. Finalement, Santé Canada remet en question l’utilité et la pertinence des groupes alimentaires actuels du Guide, et ceci semble obtenir l’aval du citoyen. Tout porte à croire que nous aurons, en 2018, un Guide alimentaire au goût du jour.

Cependant je crois que notre gouvernement peut faire preuve d’ambition. Quels changements voulons-nous pour le Canada ? Voulons-nous réduire nos émissions de GES ; encourager des systèmes alimentaires locaux et adaptés aux particularités agricoles régionales ; favoriser une offre alimentaire culturellement appropriée ; encourager les citoyens à s’informer sur ce qu’ils consomment ; les encourager à cuisiner ? Un Guide alimentaire ne peut-il pas contribuer à la réalisation de ces objectifs, à long terme ? Selon moi, ceci est indéniable : le Guide alimentaire est un outil de changement, de santé et d’alimentation durables.

Ceci dit, qu’en est-il de la mise en pratique ? Comment pouvons-nous nous assurer que les recommandations du Guide alimentaire canadien aient un impact concret ? Dans un rapport technique de 2015 , Santé Canada aborde, quoique brièvement, la valeur d’une approche systémique afin de « maximiser l’impact positif potentiel des recommandations alimentaires au Canada ». Ceci implique que Santé Canada, les gouvernements provinciaux et territoriaux, ainsi que les intervenants qui font la promotion des recommandations devront travailler ensemble afin de mettre en place  une législation et des programmes sociaux cohérents. Il ne faut pas minimiser l’ampleur de ce travail. Effectivement, la diversité et l’étendue de notre pays rendra la tâche ardue. Il faudrait, selon moi, que notre Guide puisse s’adapter aux réalités spécifiques (culturelles, sociales, agricoles, économiques, etc.) des provinces, d’un océan à l’autre. Cette adaptation pourrait peut-être passer par l’adoption de lois provinciales et de règlements souples, axés sur les résultats et visant à encadrer les recommandations.

Il va sans dire qu’en bout de ligne, le choix alimentaire du citoyen en est un qui est personnel et individuel. Mais ce choix est influencé par ses relations interpersonnelles, sa situation économique, son éducation et sur l’offre alimentaire disponible. L’État canadien, à l’aide de politiques et d’un cadre réglementaire pertinent, a la responsabilité de favoriser – sinon de garantir – une offre alimentaire saine et accessible. Il a la responsabilité de considérer, dans son processus de révision du Guide alimentaire et dans le cadre de toute politique publique concernant l’alimentation, la sécurité alimentaire qui est, pour moi, le critère ultime en la matière. Ce concept fondamental défini par l’Organisation des nations unies pour l’alimentation et l’agriculture, dit beaucoup de choses en peu de mots:

La sécurité́ alimentaire existe lorsque tous les êtres humains ont, à tout moment, un accès physique et économique à une nourriture suffisante, saine et nutritive leur permettant de satisfaire leurs besoins énergétiques et leurs préférences alimentaires pour mener une vie saine et active.

Le Guide alimentaire participe à la construction de cette offre alimentaire saine. Mais pour être efficace, il ne peut travailler seul. En paraphrasant l’expression du professeur Stéphane Beaulac, dont les mots semblent ici des plus pertinents – le Guide alimentaire peut être le début de l’histoire, mais il n’est pas toute l’histoire.

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La deuxième partie de ce billet comparera plusieurs guides alimentaires novateurs et créatifs nous venant d’un peu partout à travers le monde, et ce tant du point du vue du « contenu » que du « contenant ».  Le Canada pourrait-il s’inspirer de ces exemples internationaux? Si oui, comment? 

 

 

 

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